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L'inspection préachat est-elle nécessaire à la garantie légale de vices cachés ?

À première vue, l'art 1726 n'oblige pas l'acheteur à avoir recours à un inspecteur en bâtiment lors de l'achat d'un immeuble.

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

En conséquence, l'acheteur a-t-il un recours en garantie pour vice cache lorsqu'il omet de recourir à un expert (ici l'inspecteur préachat).

Sur le sujet, l'auteur Ewards répond ceci:

«Le texte énonce à la fois la norme d'appréciation du caractère occulte et l'élimination de l'obligation préalable d'inspection par un expert. Il paraît tenir pour acquis que la norme de l'acheteur raisonnable est toujours inconciliable avec l'aide obligatoire d'un expert. En général, le principe est exact. Cependant, dans certaines circonstances, l'acheteur ne peut satisfaire à la norme de l'acheteur prudent et diligent en agissant seul. Envisageons le cas d'un acheteur profane désireux d'acquérir un ordinateur d'un certain âge, d'une grande complexité et à un prix élevé, c'est-à-dire plusieurs millions de dollars, d'un vendeur ordinaire; ou encore celui d'un acheteur profane d'un immeuble qui, constatant certains indices inquiétants, n'a pas la connaissance nécessaire pour écarter la possibilité d'un vice. Dans les deux hypothèses, l'acheteur agissant seul n'a pas la connaissance requise pour effectuer et compléter un examen selon la norme d'un acheteur « prudent et diligent ». S'il omet de demander de l'aide, il agit de manière négligente. L'erreur de formulation dans le texte actuel a donc trait à l'idée que l'acheteur raisonnable ne doit jamais obtenir l'aide d'un expert. Or, parfois, dans un contexte exceptionnel, afin même de satisfaire à la norme d'un acheteur raisonnable, l'acheteur se doit d'obtenir une aide spécialisée.» (1)

Dans Lavoie c Comtois le juge Rochon (2) jette les base sur un raisonnement intéressant:

L'acheteur prudent et diligent d'un immeuble procède à un examen visuel attentif et complet du bâtiment. Il est à l'affût d'indice pouvant laisser soupçonner un vice. Si un doute sérieux se forme dans son esprit il doit pousser plus loin sa recherche. D'une part, on ne peut exiger d'un acheteur prudent et diligent une connaissance particulière dans le domaine immobilier. D'autre part, on ne peut conclure au vice caché si le résultat d'un examen attentif aurait amené une personne prudente et diligente à s'interroger ou à soupçonner un problème. À partir de ce point l'acheteur prudent et diligent doit prendre des mesures raisonnables, selon les circonstances, pour connaître l'état réel du bâtiment. Il ne saurait se replier sur son manque de connaissance si son examen lui permet de soupçonner une anomalie quelconque.

Il faut donc examiner, suivant chaque cas d'espèce, la conduite d'un acheteur prudent et diligent. Antérieurement à 1994 on exigeait également de l'acheteur qu'il soit prudent et diligent. Sans revenir à l'ancienne règle jurisprudentielle au sujet des experts, il est possible dans certains cas que le fait de ne pas recourir à un expert pourra être perçu en soi, comme un manque de prudence et de diligence. Le tribunal ne veut pas réintroduire dans notre droit une exigence spécifiquement exclue par le législateur en 1994. Par ailleurs, cette exclusion ne saurait être interprétée comme autorisant l'acheteur à agir de façon insouciante ou négligente. Cet acheteur ne fera pas preuve de prudence et de diligence alors qu'il existe des indices perceptibles pour un profane, s'il ne prend pas les moyens (y compris le recours à des experts le cas échéant) de s'assurer que l'immeuble est exempt de vice

La jurisprudence regorge d'exemples ou l'acheteur pressé de conclure la transaction sans faire d'inspection préachat se voit refuser son recours en garantie pour vice-caché car son obligation de prudence et diligence n'est pas remplie.

Tout considéré, le coût d'une inspection préachat est si abordable qu'il est fortement déconseillé de s'en priver lors de l'acquisition d'un immeuble. Par contre, il est important pour l'acheteur de bien lire son rapport d'inspection. Chaque lacune qui y est documentée ne pourra être associée à un vice caché, ce qui limitera ses recours futurs.

La garantie légale n'est pas la seule utilité d'une inspection préachat. Elle peut permettre à l'acheteur de se sortir d'une promesse sans avoir à payer des dommages, ou simplement pour servir de base à une demande de baisse de prix.

Un vendeur prudent devrait d'abord faire faire une inspection prévente. Il aura alors tout le temps pour faire réparer les vices apparents qui pourraient être décelés lors de la levée des conditions, évitant les demandes de baisse de prix ou même l'échec de la vente. Après sondage auprès de mes amis courtiers immobiliers, il apparaît de leur expérience que l'inspection prévente est malheureusement encore grandement sous-utilisée.

Patrick Lamanna ing et avocat 514-497-6177

(1) Jeffrey Edwards, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, Montréal, Wilson & Lafleur Ltée, 1998

(2) [2000] R.D.I. 36


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